« Actualités Afrique, le 24/10/2013 : Christine von Garnier, du réseau Afrique Europe Foi et Justice, explique pourquoi, vingt ans après la guerre civile, le Mozambique est à nouveau déchiré et au bord du gouffre. »
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Guerre économique
Beaucoup de choses ont changé au Mozambique depuis la fin de la guerre civile, en 1992, qui opposait le Frelimo (financé par la Chine) et la Renamo (soutenue par l’Afrique du Sud). La Renamo s’était alors muée en un parti politique d’opposition. Le Frelimo, lui, est encore au pouvoir depuis l’indépendance en 1975, comme le sont d’ailleurs tous les autres mouvements de libération de l’Afrique australe en Angola (1975), en Namibie (1990), au Zimbabwe (1980) et en Afrique du Sud (1994) malgré des élections «démocratiques».
La Chine rapace
Aujourd’hui, de fortes tensions apparaissent entre les deux anciens mouvements de libération du Mozambique, qui s’accusent mutuellement d’actes de guerre. Les causes? La Renamo reproche au Frelimo d’accaparer le pouvoir et tous les profits des ressources naturelles du pays. En effet, depuis la découverte de vastes gisements de gaz naturel et de pétrole, ce pays est en passe de devenir l’un des principaux exportateurs d’hydrocarbures de la région. Des consortiums indien, chinois, français, américain, brésilien, algérien, italien sont sur place comme des vautours, attirés par le gaz, le pétrole, le charbon, et des milliers d’hectares de forêts pour le bois précieux.
Le parti au pouvoir voit grand: 1,7 milliard de dollars d’investissements pour agrandir le port de Maputo avec l’aide d’entreprises étrangères, notamment sud-africaines. En outre, il «vient en aide» à l’industrie navale française en achetant des bateaux qui seront construits en Normandie! Coût: 200 millions de dollars. Commentaire du Huffington Post: «Dans tous les marchés publics, les intérêts français sont toujours en tête de liste.» C’est vrai qu’Areva et Daussault sont les meilleurs pour vendre leurs marchandises aux Africains qui ont pourtant des besoins plus essentiels.
De son côté, la Chine, dans sa stratégie envers l’Afrique, utilise un gigantesque pétrolier pour exporter le gaz naturel, le pétrole et le charbon dont elle a tant besoin. D’après un économiste mozambicain, 5% seulement des revenus faramineux des ressources naturelles seraient réinvestis dans le pays.
«Take away chinois»
Aux milliers d’hectares rasés par la malédiction du charbon, dont les pays émergents sont particulièrement friands, s’ajoute la triste exploitation des bois exotiques mozambicains par des gangs chinois, cela en dehors de tout contrôle et sur fond de corruption avec des généraux du Frelimo. Les habitants assistent impuissants à la lente et constante destruction d’immenses zones forestières dans les provinces du nord et du centre du Mozambique, les privant de leurs lieux de vie et les réduisant à une extrême pauvreté. Une ONG locale appelle cela le «take away chinois».
Anarque et tourisme écologique
Pour faire bonne figure et attirer des touristes, le gouvernement a décidé, dans le cadre d’un plan d’action pour une économie verte, d’ouvrir une réserve naturelle dans le nord-ouest du Mozambique, située sur le lac de Cahora Bassa jusqu’à la frontière du Zimbabwe, dans la région que les mines de charbon ont dévastée. Hippopotames, lions et léopards deviendront les voisins des 3000 agriculteurs et pécheurs riverains…
Ce qui se passe au Mozambique est à l’image de ce qui se passe ailleurs dans de nombreux pays du continent africain : il y a un décalage énorme entre l’Etat et la société. L’élite, les riches sont devenus un peu partout les nouveaux colonisateurs de leur propre pays. La compréhension de l’Etat, de la nation, du bien commun est très mauvaise. On ne se soucie guère de ses «citoyens» de seconde catégorie.
Qu’un bouillonnement social et un conflit militaire émergent au Mozambique n’est pas étonnant. Les armes sont là… C’est le début d’une deuxième révolution mozambicaine qui va s’exacerber avec les élections locales le 20 novembre prochain et les élections législatives et présidentielle l’année d’après. Les pays industrialisés, les pays émergents et la Chine, avec leurs multinationales, sont les principaux responsables de cette situation.
Article sur : Le Temps (abonnement)
*PS : intertitres modifiés par la rédaction de Grigrinews.com.