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« Paris, France, 24 octobre 2012: L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, un programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), s’indigne du refus de la plus haute juridiction militaire d’examiner le rôle joué par le général John Numbi dans l’assassinat de deux défenseurs des droits de l’Homme, malgré les nombreux indices et témoignages impliquant ce dernier. »
Le 23 octobre 2012, malgré les éléments de preuves et indices concordants ainsi qu’un récent témoignage accablant le général John Numbi, la Haute cour militaire a renoncé à mettre en accusation le principal suspect des assassinats, dans la nuit du 1er au 2 juin 2010, des défenseurs congolais Floribert Chebeya Bahizire et Fidèle Bazana Edadi, respectivement fondateur et directeur exécutif et membre de l’organisation la Voix des sans voix (VSV). Floribert Chebeya Bahizire était également membre de l »Assemblée générale de l »OMCT.
L’Observatoire rappelle que le 17 octobre dernier, une interview réalisée par Radio France Internationale (RFI) de l’ex inspecteur de la police nationale congolaise (PNC), Paul Mwilambwe, condamné à la peine de mort par contumace dans cette même affaire et en fuite, est venue confirmer la thèse de l’implication du général dans le double assassinat. Paul Mwilambwe disait aussi craindre pour sa sécurité, raison pour laquelle il se trouvait à l’extérieur et ne pouvait se rendre aux autorités congolaises. Ces craintes ont été confirmées par la visite d’un secrétaire personnel du général Numbi auprès de la femme de Paul Mwilambwe le jour de la diffusion de l’interview.
La Haute cour militaire s’est alors limitée à se déclarer « intéressée » par le dit témoignage, sans aller jusqu’à considérer les déclarations comme des éléments de preuve susceptibles de renseigner ou d’éclairer la cour sur les circonstances de l’affaire. En revanche, la cour a annoncé qu’elle allait prendre des mesures conservatoires visant à sécuriser l’endroit où aurait été enterré le corps de Fidèle Bazana, sans donner plus de précisions. L’OMCT rappelle que les parties civiles réclament ces mesures conservatoires depuis août 2012, et que le corps de Fidèle Bazana n »a toujours pas été rendu à sa famille. Enfin, la cour a renvoyé l’affaire sans préciser de date, indiquant simplement qu’elle serait « communiquée ultérieurement ».
L’Observatoire dénonce vivement ce refus d’examiner le rôle joué par le général Numbi dans l’assassinat des deux défenseurs des droits de l’Homme. Cette décision est d’autant plus regrettable qu’à l’occasion de son discours d »ouverture du Sommet de la Francophonie, qui s’est achevé il y a une dizaine de jours à Kinshasa, le Président Kabila lui-même a souligné sa ferme volonté que la République démocratique du Congo soit « un État de droit, respectueux des principes de démocratie et des droits et libertés fondamentaux ».
« Le refus d’ouvrir des poursuites contre M. Numbi, et ce malgré les éléments de preuves et indices concordants et les témoignages comme celui délivré par Paul Mwilambwe, s’apparente à un déni de justice», a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH. « Cette décision va à l’encontre des obligations internationales de la République démocratique du Congo, qui impose aux autorités judiciaires de mener une enquête exhaustive et impartiale sur ce double assassinat, et de traduire en justice tous ses responsables, quelles que soient leurs fonctions », a-t-elle précisé.
« L’OMCT insiste une fois de plus sur l’urgence de faire toute la lumière sur le meurtre de MM. Chebeya et Bazana afin de mettre fin à l’intolérable impunité qui prévaut depuis plus de deux ans dans cette affaire et qui ne peut qu »encourager la poursuite des actes de grande violence dont sont victimes les défenseurs des droits de l »Homme congolais depuis plusieurs années », a ajouté Gerald Staberock, secrétaire général de l’OMCT. L’Observatoire se réserve le droit de saisir la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples pour dénoncer ce déni de justice contraire aux dispositions de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples ainsi que toute autre instance compétente.
Compléments sur l’affaire
Rapport d’observation judiciaire publié par l’Observatoire le 24 juin 2011 (FIDH)