« Les trois principales villes des régions du Nord-Mali (Kidal, Tombouctou et Gao) sont entre les mains des groupes armés et leurs alliés les djihadistes, venus d’un peu partout dans le monde, qui y sèment la désolation et la terreur. »
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Dioncounda et Cheick Modibo
Pour la reconquête de ces zones occupées, au-delà de tout appui à la communauté internationale, on estime aujourd’hui que le prix du sang doit être payé par les Maliens eux-mêmes. Une question de géostratégie, mais aussi de fierté nationale… Au sein de la population malienne, le débat fait rage: la reconquête des régions nord-Mali, occupées depuis bientôt trois mois par des groupes armés et leurs alliés djihadistes, qui y sèment la terreur, fait polémique. Tandis que certains estiment que ces vastes régions ne pourront être conquises que par la communauté internationale; d’autres, plus nombreux, trouvent au contraire que dans la reconquête de ces territoires perdus, c’est le Mali et sa force armée qui doivent être en avant pour payer, en quelque sorte, «le prix du sang». Face à ce qu’ils ont qualifié l’absence de riposte de l’État, ils sont aujourd’hui nombreux les Maliens qui se placent dans la perspective d’une reconquête assurée par la communauté internationale, via la l’Union africaine et la Cedeao, celle-là même qui est médiatrice dans cette crise et qui, jusqu’ici, n’arrive pas quand même à dégager une feuille de route quant à un règlement du conflit. Cette préférence pour la communauté internationale, de plus dominante, selon qu’il s’agit de ressortissant du nord ou pas, a capté les esprits dès lors qu’il s’agit de mettre en avant l’impuissance des troupes gouvernementales face à la puissance de feu des groupes armés qui ont conquis très rapidement les positions de l’armée malienne.
Une armée Malienne désorganisée
Du fait qu’apparemment aucun plan de riposte n’a été conçu, côté gouvernement, pour récupérer plus rapidement les zones occupées, cela a contribué à cristalliser les positions en faveur de la toute puissance de la Cedeao, estimée, à tort ou à raison, comme seule apte à libérer, par ses moyens de frappe, les régions occupées du nord. Les partisans du prix du sang, eux, ne démordent pas. Dans ce camp, en raison même de la nature du conflit (rébellion armée répétitive), et dont une partie de solution doit nécessairement se poursuivre sur la table de négociation, il est important que ce soit l’armée malienne qui se positionne pour être la libératrice de son territoire occupé en payant, pour cela, le prix du sang. Quitte à ce que la communauté internationale nous apporte son aide qui, dans l’esprit du prix du sang, ne peut être qu’un appoint. Certes, aujourd’hui, l’armée malienne, pour reconquérir les zones perdues, et qu’elle a besoin pour cela d’une certaine reconstitution, en raison de son niveau de dysfonctionnement très élevé, doit être en ligne de front. Il est aussi vrai qu’il faut du temps pour cela (un facteur de temps qui ne plaide pas en faveur de l’armée en raison de l’impatience des Maliens); mais en matière de reconquête du territoire national, comme c’est le cas pour la violence du conflit armé du nord-Mali, la victoire la plus durable, dans le temps et dans l’espace, est celle qui est engrangée par l’armée nationale.
Nécessité d’une intervention militaire
En tout état de cause, indépendamment de la nécessité du dialogue, qui fait d’ailleurs l’unanimité au sein de la population malienne, ne serait-ce qu’avec les responsables du mouvement rebelle MNLA, tout le monde en convient qu’il n’est pas possible autrement de trancher la question des groupes djihadistes, qui ont envahi le nord de notre pays, sans les combattre. Cela est une affaire géostratégique qui amène tous les États, à travers le monde, y compris le Mali qui y a longtemps cru, par erreur stratégique, qu’il peut vivre «en bon voisinage» avec ces groupes terroristes, à s’engager dans une approche commune de lutte contre la grande criminalité. Les groupes terroristes, qui écument dans le nord Mali, parce qu’ils sont considérés par les grandes puissances de la terre comme comme constituant une menace sérieuse contre la stabilité, ne peuvent qu’être combattus que de cette façon. Pour ce choix stratégique, le Mali ne peut pas se soustraire à cette donne essentielle de la sécurité mondiale. D’ailleurs, dans le cadre de la Cedeao ou de l’UA, en rapport avec les différents partenaires africains ou mondiaux, le Mali a adhéré à pas mal d’accords de sécurité visant la lutte concertée contre les groupes terroristes et les organisations criminelles.
La fierté Malienne
C’est à partir de cette orientation stratégique que nous avons besoin de reconstituer notre armée, jadis «la vaillante nationale», qui doit se mobiliser avec toutes ses composantes pour la libération de ces trois régions. La présence d’AQMI et autres salafistes dans ces régions occupées nous en impose cette nécessité pour d’abord le crédit de notre armée et ensuite pour restaurer cette image de respectabilité à notre pays qui a jadis, au plan militaire, tant fait pour la paix en Afrique et même dans le monde. Dans le but de minimiser le facteur temps (de combien de temps une armée désarticulée à la suite de sa défaite sans gloire face aux groupes armés a-t-elle besoin pour amorcer la contre-offensive?), et permettre à la vaillante nationale, qui regroupe toujours des hommes aguerris au combat, la communauté internationale peut y jouer un rôle cardinal. Avec son aide (logistique, équipement, renseignements, forces d’intervention…) qui ne peut venir que comme un appoint aux efforts et au sacrifice du Mali à récupérer et à sécuriser ses zones occupées par lui-même.
Libération du Nord-Mali par les Maliens
C’est cela que d’aucuns appellent «le prix du sang» à payer par les Maliens eux-mêmes pour aller à la libération de leur territoire. Voilà le sens de la visite du Premier ministre, CMD, la semaine dernière, dans la garnison de Ségou, pour galvaniser le moral de la troupe en vue de la reconquête prochaine des régions nord du pays. Pour cette raison, beaucoup d’observateurs ont trouvé dans ce geste du Premier Ministre un message fort à l’endroit de l’armée malienne, creuset national, à qui revient le mérite du sacrifice de la garantie de l’intégrité du territoire national. Car, il ne faut pas se voiler la face: si les autres forces armées libèrent notre pays à notre place, il va s’en dire qu’elles y resteront aussi longtemps qu’elles le jureront elles-mêmes nécessaires pour leur propre sécurité, mais surtout pour leurs intérêts économiques et financiers bien compris à travers l’exploitation des ressources locales.
Impérialisme occidental
L’histoire contemporaine est assez édifiante à ce sujet: les USA continuent de régenter le monde occidental, à travers l’OTAN, parce que ce sont les troupes américaines qui ont libéré «le vieux continent» de la domination de l’Allemagne hitlérienne. À titre illustratif, selon la révélation de Jacques ATTALI dans son livre «Verbatim», la composition du gouvernement français était soumise à «l’approbation préalable» de l’administration de Washington, n’eût été la rébellion de François MITTERAND qui savait d’avance, en 1981, que le président Ronald REAGAN n’accepterait jamais des ministres «communistes» dans la nouvelle équipe «socialiste». Il en était de même pour les pays d’Europe de l’Est qui étaient «régentés» par Moscou jusqu’à la fin de l’URSS en 1989-1990.
Reconquête des régions du nord : c’est le Mali qui doit payer le prix du sang (PDF)